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 LA PERLE ROSE DES CARAÏBES

EXPÉDITION HONDURAS JUILLET 2015

Les perles font leur apparition en joaillerie dès le moyen âge en Europe, elles sont issues de moules, un bivalve d’eau douce appelées Margaritifera Margaritifera.  Néanmoins, dans l’esprit populaire, une perle est par définition une perle de culture d’huître, un bivalve d’eau de mer, assurément blanche. Il convient de définir ce qu’est une perle de culture par opposition à une perle fine. Les perles de cultures sont des perles dont la formation a été provoquée par l’introduction d’un corps étranger dans la coquille d’un mollusque de manière non-naturelle.

La perle de culture noire de Tahiti est venue apporter un démenti en matière de couleur et la perle de culture de moule de Chine a popularisé une autre espèce animale perlière. Pourtant nous savons aujourd’hui que toute espèce de mollusque pourrait produire des perles. Certaines même, n’auraient rien à envier à la perle nacrée que nous connaissons bien.

Il existe des perles rares, oranges, bleues, et surtout roses mais beaucoup d’entre elles restent à ce jour des curiosités naturelles sauf celles, justement, qui sont issues d’un coquillage caractéristique de la mer des Caraïbes. Un escargot de mer, une conque connue aux Antilles françaises sous le nom de « Lambi ». Ce coquillage ne se limite pas à sa grande beauté, il fournit de surcroît des perles roses extraordinaires, les seules perles non nacrées et qui ne soient ni d’huître ni de moule et ayant une réelle importance commerciale.

« La perle de Lambi est devenu l’ultime perle fine, celle dont la culture a toujours échoué. A ce titre, on peut la considérer comme la plus rare de toutes les perles commerciales. » Voici ce que l’on peut lire dans la plupart des ouvrages actuels sur la perle rose. Une affirmation qui était vraie il y a encore peu de temps.

L’histoire de la perle rose des Caraïbes est liée à la fois au destin peu commun d’une poignée de personnes qui ont cru à sa magie et à son pouvoir de séduction. Pendant longtemps, les pêcheurs n’ont vu dans le lambi qu’une source alimentaire sans estimer le rare trésor que recelaient certains coquillages.

Son autre face renvoie à notre comportement vis-à-vis de la Nature. Ainsi la conque rose des Caraïbes fait l’objet de mesures de protection pour parvenir à un équilibre entre capture et reproduction. C’est à ce prix que la perle rose des Caraïbes restera une gemme qui marquera l’histoire de la joaillerie dans la durée, une histoire qui court depuis bientôt deux siècles.

STROMBUS GIGAS PRÉSENTATION ET HISTOIRE

La conque rose est l’un des symboles majeurs des Caraïbes. Si la beauté de ce coquillage en a fait longtemps un trophée recherché, il représente aussi un élément important de la gastronomie. L’intérêt porté à ce coquillage est tel que chaque région lui a donné un nom particulier. Aux Antilles françaises, il est connu sous le nom de Lambi, à Cuba sous celui de Caracol rosa, c’est-à-dire escargot rose. Les anglophones le nomment Queen Conch soit la reine des conques. Au temps des Aztèques, il portait le nom de Teccizmama. Pour les zoologistes, son nom scientifique est Strombus gigas.

Un coquillage millénaire aux multiples utilisations

Les conques, sont de grands escargots de mer dont nous retrouvons les traces jusque dans les illustrations de la mythologie antique où bien souvent elles représentent la corne d'abondance. Ce mollusque a été aussi utilisé comme trompette pour sonner à l'approche d'un danger, d'une victoire ou durant une cérémonie religieuse. Le son grave, qui portait sur des kilomètres, était un signe de ralliement. Existant dans la Caraïbe bien avant l’arrivée des premiers hommes, le lambi n’était pas (et n’est pas) pêché que pour sa chair. Les Amérindiens utilisaient la conque pour y tailler des outils et des hameçons ou sculpter des œuvres d’art. Les peintures de la Renaissance flamande, puis les natures mortes du XVIIe siècle et enfin les cabinets de curiosités montrent que les lambis étaient admirés pour leur grand exotisme. Aujourd’hui, il est vendu aux touristes comme coquillage tropical.

Pututo, Chavin 1000-500 av. J.-C., Lombards Museum

Origine géographique

Le coquillage adulte mesure de 20 à 30 centimètres et peut peser jusqu’à 3 kilos. La coquille est en forme de spirale, dotée d’un pavillon ou lèvre, faite d’une matière coquillère colorée par un pigment rose, orange ou jaune. L’animal atteint sa taille adulte au bout de quatre ans et peut vivre une trentaine d’année.

Le lambi est un Mollusque Gastéropode appartenant à La famille des Strombidae. Il vit dans les eaux peu profondes des mers tropicales et subtropicales. On le trouve entre 1 et 30 mètres de profondeur dans une seule zone du globe, le bassin caribéen.

 

Les Strombidae sont caractérisés par leur mode de déplacement : à la différence de la plupart des Gastéropodes, qui se déplacent en glissant, les Strombidae se déplacent par des « sauts » qu'ils effectuent grâce à leur opercule. L’opercule est une plaque cornée, en forme de virgule, qui sert non seulement de moyen de locomotion mais aussi à obturer l’orifice de la coquille pour protéger l’animal de ses prédateurs. Son habitat favori est constitué de zones d'herbier et de fond sablo-vaseux où il broute littéralement les prairies sous-marines.

On dit communément que les chances de survie d’une larve de lambi sont de l’ordre d’un pour un million. En fait, les biologistes ont montré que les chances sont deux fois moindres. Un lambi femelle doit pondre deux millions d’œufs pour espérer voir l’un d’entre eux atteindre l’âge adulte. Les œufs et les larves entrent dans l’ordinaire alimentaire de plus de cent espèces marines, on comprend alors pourquoi le taux de survie est si faible.

Le lambi est une espèce endémique importante de la Caraïbe. Jusque dans les années 1970, il n’était pas nécessaire de prendre le large pour pécher la conque rose. Il suffisait non loin des plages de n’importe quelle île, de marcher dans l’eau, de plonger son bras et de sortir un lambi à la main. D’immenses surfaces de fonds marins étaient recouvertes de bancs de lambis. Les habitants s’emparaient d’un ou deux coquillages et les préparaient en salade, en ragoût ou en friture. Cette source de nourriture semblait sortir indéfiniment de la mer. Mais dès 1986, les eaux des Keys de Floride n’étaient plus qu’un désert sous-marin. Le temps de la pêche facile dans les criques oniriques était révolu.

On trouve le lambi dans 38 pays de la Caraïbe, des Bermudes au nord, jusqu'au Brésil au sud.

Culture et civilisation

Il s'agit, tout d'abord, d'une espèce commerciale, pêchée dans l'ensemble de la Caraïbe, qui représente le deuxième produit de pêche à plus forte valeur ajoutée juste derrière la langouste. 79% des exportations de lambis sont à destination des Antilles françaises, 19% à destination de la Floride et 2% pour le reste de la Caraïbe. (D’après une étude menées en 2010 par Jean-Marie VOLLAND doctorant de L’université des Antilles et de la Guyane)

A, utilisation en tant qu'instrument de musique au carnaval.

 

B, utilisation en artisanat comme boucles d'oreilles.

 

C, coquille de lambi sculptée datant de l'époque précolombienne.
 

D, utilisation des coquilles de lambis comme ornementation des sépultures dans les Caraïbes.

Boucles d’oreilles en coquille de lambi et diamants

Camée coquille de lambi

Popularité du lambi

Comment un tel coquillage, vivant si loin d’Europe, a-t-il pu être si populaire sur le Vieux Continent ?

La réponse est liée aux bateaux qui rentraient à vide des Amériques. Pour éviter le tangage et abaisser la ligne de flottaison, on bourrait la cale de lambis pour faire du ballast, à défaut de la charger de pierres, rares sur les îles Caraïbes.

Arrivés dans les ports hollandais, les bateaux étaient vidés et ces beaux coquillages roses étaient revendus pour donner un petit parfum d'exotisme, une fois le coquillage déposé sur un linteau de cheminée ou un buffet d'ébène.

Personne ne soupçonnait alors que l'animal qui vivait dans ces coquilles produisait parfois des perles, parmi les plus belles et les plus rares. Des dragées roses qui eurent leur première heure de gloire au XIXe siècle, à l'époque victorienne.

LES PERLES ROSES
La nacre

La nacre = est un carbonate de calcium cristallisé sous forme orthorhombique formant des cristaux d'aragonite. Elle est le revêtement intérieur de coquilles de certains mollusques, biosynthétisée par le manteau et composée de cristaux d'aragonite et de conchyoline, Il s'agit, de fait, d'une bio-minéralisation, qui peut servir aussi de mécanisme de défense vis-à-vis de l'intrusion d'un corps étranger. Cependant, tous les mollusques ne sont pas capables de synthétiser de la nacre aux reflets irisés.

L’unité microstructurale de base de la nacre est la tablette. Il s’agit d’une structure cristalline très plate de formes polygonales.

Il y a deux modes d’organisation de la nacre :

  • Nacre en feuillets dont les couches superposées sont organisées en rangs indépendamment les unes des autres et forment un « mur de brique ». Les enveloppes de matière organique, constituent le ciment du mur.                       --> Bivalve

  • Nacre columnaire dont les couches superposées sont alignées les unes aux autres et forment des colonnes.                    --> Gastéropodes (Haliotis) et Nautile.

Toutes les autres organisations de l’aragonite et/ou de la calcite sont des structures non nacrées = porcelainées.

 

On peut distinguer plus de 45 variations dans l’organisation des microstructures de carbonate de calcium.

Les perles

« Toute espèce animale à coquille pourrait produire des perles, même l'escargot », écrit le Dr Hubert Bari, maître de conférences au Muséum national d'Histoire naturelle de Paris, dans la préface du livre La perle rose, trésor naturel des Caraïbes.

Les perles sont le résultat d’un processus de biominéralisation : une sécrétion minérale de carbonate de calcium (CaCO3) par un organisme vivant (mollusque).

Selon l’organisation moléculaire du CaCO3, on distingue les perles :

  • nacrées

  • non nacrées = porcelainées

La formation de la perle

Depuis l’antiquité, les perles intriguent. Leur formation miraculeuse a entrainé tout un cortège de légendes. Larmes des dieux tombées dans la mer pour certains ; résultat de l’accouplement de l’huître et de la lune pour d’autres, elles portent en elles une part de mystère qui les destinent naturellement aux trésors royaux et aux cabinets de curiosité. Tout ce romantisme retombe au XVIIIème siècle, lorsqu’une explication naturelle à leur formation, par le naturaliste suédois Carl Von Linné, démystifie son côté miraculeux. Il va déterminer que la perle naît d’une réaction de défense du mollusque contre un corps irritant qui s’est introduit dans sa coquille. Contrairement à l’idée reçue, il ne s’agir pas d’un grain de sable, mais souvent de bactéries voire de minuscules crustacés ou de vers. En réaction à cette intrusion et pour éviter l’irritation ou l’infection, le manteau du mollusque – l’organe qui produit la matière coquillère – va sécréter cette même matière et en enrober l’intrus. Il se retrouve comme emprisonné dans une concrétion calcaire qui forme la perle proprement dite.

Si le mollusque est un mollusque nacrier, la matière sécrétée par le manteau est de la nacre et la perle sera donc une perle nacrée. En effet, la matière de la perle est toujours identique à celle de la coquille. Cette règle, valable pour la matière de la perle l’est aussi pour la couleur. Si le coquillage est bleu, la perle sera bleue etc… des nuances de couleur peuvent être apportées par des sels minéraux, comme ceux présents dans l’eau de mer. La perle peut alors prendre des teintes diverses.

La perle, tout comme la coquille hôte, est composée essentiellement de carbonate de calcium, qui représente plus de 80% du poids de la perle, le reste étant composé d’une matière organique, un liant, appelé conchyoline. Enfin un peu d’eau, de deux à quatre pour cent, imprègne le tout. Cette matière perlière est disposée au fur et à mesure autour de l’agent irritant, par couches concentriques successives.
Du nombre de couches dépend la grosseur de la perle.

Le Strombus gigas n’est pas un mollusque nacrier. S’il produit une matière de composition identique à celle de la nacre, son aspect rappelle en revanche la porcelaine. Certains puristes préféreraient que l'on ne nomme pas les perles roses, ou perles de conque des « perles », mais plutôt des « concrétions calcaires ». Toutefois, lorsque le manteau du lambi sécrète de la matière coquillère autour d’un corps irritant, il s’agit bel et bien du processus de formation d’une perle.

Tout comme la perle nacrée, la perle de conche est constituée de cristaux de carbonate de calcium, pourtant, la structure cristalline est différente.

Les perles de lambi ne sont pas des perles nacrées faites de plaquettes d'aragonite mais des perles dites porcelainées, constituées de prismes d'aragonite. Elles s'organisent parallèlement dans la perle de Strombus, montrant une apparence fibreuse,  perpendiculaire à la surface. En se déplaçant, la lumière provoque un chatoiement, sorte de moirage, créant de magnifiques effets lumineux appelés

« flammes » qui n'ont rien à envier aux chatoiements de la nacre.

La structure fibreuse de la perle de conche lui assure une dureté plus élevée que celle de la perle nacrée – 5 à 6 sur l'échelle de Mohs, alors qu'elle n'est que de 3 à 4 pour une perle nacrée. D'un beau poli très brillant, elle est cependant plus difficile à percer, mais résiste mieux aux rayures et à l'abrasion.

Perles de Strombus gigas = structure lamellaire croisée d’aragonite = structure en flammes.

Section polie à travers un morceau de perle de conche en lumière réfléchie - Largeur de l'image 5 mm

Perles de lambi de très haute qualité

Structure en flamme d’une perle de Strombus gigas

Perle de Strombus gigas sciée

Observation des couches concentriques

La couleur rose de cette perle, elle est d’origine purement organique. La composition chimique de ce pigment reste à ce jour indéterminée. Les analyses sont en cours.

Couleur et rareté

Toutes les perles naturelles sont rares. D'autant plus que, pour l'instant, toutes les tentatives pour cultiver les perles de conque ont échoué. Du moins c’est ce que l’on croyait.
Les spécialistes ont calculé qu'il faudrait pêcher au moins 10 000 spécimens pour trouver une perle et 100 000 pour y trouver une perle de grande qualité. On mesure alors bien mieux pourquoi les perles de conque sont si recherchées, si rares et actuellement si chères.

Toutes les perles dites roses ne sont pas forcément roses. Le coquillage étant rose-orangé, leurs couleurs couvrent toutes les teintes selon deux gammes : du blanc au rose intense en passant par le orange. La couleur la plus appréciée étant le rose fleur de pêcher et le rose pourpre très soutenu. La couleur dépend de l'emplacement où elles se sont formées à l’intérieur du coquillage. Elle peut également être influencée par l'âge de l'animal, son alimentation, la salinité de l’eau etc....

Du blanc au brun, même si la valeur n’est pas comparable, la couleur la plus intéressante est alors la couleur café au lait. Les perles dans les tons de bruns semblent s'être développées dans des coquillages âgés.

Les perles récoltées sont généralement de petit diamètre; et leur forme est le plus souvent baroque ou ovale.

Perle de lambi de très basse qualité

Certaines sources mentionnent l’instabilité de la couleur des perles roses qui seraient photo-instables et susceptibles de s’affadir avec le temps. Il en serait de même pour le pavillon de la coquille de l’animal pigmentée en rose, qui perd sa couleur au soleil et même avec le temps à l'obscurité. Néanmoins, cette allégation semble discutable lorsque l'on observe les teintes et l'état de conservation de perles serties sur des bijoux anciens, Edwardiens, Art Nouveau ou Art Déco. Cela s’expliquerait par les conditions favorables de conservation et d’exposition à la lumière. Minimiser l’exposition à la lumière du jour préserve les couleurs d'origines organiques.

 

D’après une étude personnellement menée, la couleur rose, qui tapisse l’intérieur de la coquille du Strombus gigas, perd de son intensité et devient vite rose clair à blanc après quelques jours d’exposition au soleil. Il devrait en être de même pour ses perles même si ces dernières sont rarement exposées continuellement ainsi.

Identification

L’identification de la perle de conque se fait en partie à l’aide d’une binoculaire grâce à la reconnaissance des structures externes. Les flammes n’étant pas toujours présentes, la structure caractéristique de la perle de lambi est une structure en feuillets croisés (cross foliated structure).

En laboratoire, les analyses sont plus poussées. Les appareils nécessaires à leur identification sont, la radio bien entendu pour vérifier la nature (fine/culture). Dans certains cas, un spectre UV visible peut être intéressant pour analyser les causes de la couleur et le spectre Raman pour l’analyse des teintures. En effet, même si ce traitement est peu courant, les perles de conque peuvent être teintes. Une autre modification effectuée par l’homme est le polissage. Certaines perles ayant une forme peu harmonieuse ou un défaut de surface peuvent être polies afin d’améliorer leur aspect.

 

La perle de Strombus, comme toutes matières organiques, est sensible aux acides. Les appareils de mesure tels que le réfractomètre et les liquides de densité ne sont donc pas à utiliser. Le citron ou les parfums peuvent eux aussi endommager la perle. Quant à la lampe UV, elle ne donne pas d’indication spécifique.

Différentes structures en flamme des perles de Strombus

Imitations

George Kunz (1856-1932), légendaire gemmologue de chez Tiffany au XIXe siècle, a retracé des imitations de perles de conche dès les années 1800. La plus courante et la plus facile à réaliser est de tailler une perle dans la matière du pavillon du coquillage. Malgré tout, cette imitation est relativement facile à déceler, « les flammes y sont absentes, même si ce n’est pas une caractéristique fondamentale des perles de lambi ». Une affirmation que l’on trouve dans plusieurs ouvrages mais qui semble être inexacte. D’après la photo de perles d’imitation ci-dessous, on peut y observer une structure flammée. En effet, la coquille est elle aussi dotée de flammes mais à la différence d’une perle où les flammes se trouvent tout autour, dans une coquille taillée il n’y aura des flammes que sur un coté.

Structure en flammes sur un côté

Les prix des imitations sont variés. Pour les perles taillées dans la coquille comme sur les photos ci-dessus, le prix oscille entre 20 à 30 dollars U.S. la perle.

Confusion

La perle de lambi peut être confondue avec celle du Melo Melo. De couleur orange, cette dernière présente également une structure flammée mais est généralement de plus gros diamètre. Les perles de Melo peuvent atteindre plus d’une centaine de carats.

LES ENJEUX COMMERCIAUX
L'âge d'or
Époque victorienne et édouardienne

Les perles roses de Strombus rencontrent leur premier succès durant les époques victorienne au XIXe siècle et édouardienne de 1901 à 1914. Puis, l'Art nouveau s'en empara, pour satisfaire les extravagances d'artistes inspirés par les sciences naturelles. Boutons de fleurs, fruits en grappe, tout est bon pour utiliser les perles de lambi, mais souvent par de grands créateurs, ces perles ayant toujours été onéreuses.

Tiffany

Tiffany et son principal créateur Herman Marcus s'en servent abondamment. De cette époque date le célèbre pendentif « une perle en cage », signé Tiffany & Co. Herman Marcus crée ensuite sa propre entreprise, Marcus & Co., et se fait l'ambassadeur de cette perle rare. Après un ultime sursaut durant la période Art déco, dans l'entre-deux-guerres, la perle de lambi finit par disparaître. À peine quelques initiés en connaissaient l'existence dans la seconde moitié du XXe siècle.

Les grands noms

Dans les années 1960, les perles roses n'étaient pas recherchées par les pêcheurs et une perle pouvait se négocier de quelques dollars à quelques dizaines, sur les quais de Belize City ou d'ailleurs. Aujourd'hui, ces mêmes perles valent des dizaines, voire des centaines de milliers de dollars.

 

Après un désintérêt à la fin de la période Art Déco, c'est à un « Indiana Jones » en jupon que l'on doit la renaissance de la perle de conque : l'américaine Sue Hendrickson. Archéologue, aventurière et collectionneuse, elle achète sa première perle de conche vers la fin des années 1970. Tombée amoureuse, elle se met à les collectionner via de nombreux rabatteurs, les pêcheurs qui trouvaient parfois des perles en vidant les coquillages. Après des décennies d'efforts, Sue se retrouve à la tête d'un incroyable trésor de perles de grande qualité.

Afin de promouvoir cette ultime perle naturelle ayant véritablement un débouché commercial, au début des années 2000 Sue Hendrickson s’associe avec un courtier en pierres précieuses genevois, Georges Ruiz. C'est un grand renouveau pour la perle de lambi, les grands noms comme Mikimoto, Tiffany, Harry Winston, Boghossian, Chopard et Hemmerle produisent des joyaux magnifiques ornés de cette gemme, parmi les plus rares. Les prix se sont stratosphériquement envolés et les perles deviennent de plus en plus difficiles à trouver.

Le japonais Ryo Yamaguchi, directeur général de Mikimoto jusqu'en 1997 et qui a participé à la relance de la perle rose, affirme : « Cette perle a deux grandes qualités : la beauté et l'intégrité. La perle de culture était tellement dévalorisée en raison de la surproduction et de la baisse des standards de qualité que les clients de la haute joaillerie aspiraient à un nouveau symbole intacte et irréprochable. Un tel symbole ne pouvait être qu'une perle fine ! » Et rose.

Le marché actuel

La perle rose ne s’est pas réellement démocratisée et reste à ce jour peu connue sur le marché français. Seules les grandes maisons joaillières les utilisent dans leurs collections mais elles restent des pièces uniques du fait de leur grande rareté. Des créations qui flirtent avec le million de dollars.

En France, comme sur les salons internationaux, il est difficile de trouver des perles de conque. Deux stands lors de l’édition 2015 à Bâles proposaient quelques perles notamment sur des bijoux anciens. Aucun au Bangkok Gems & Jewelry show de 2015 n’avait entendu parler de cette dernière. Cette même année, seul le salon de Hong Kong regroupait quelques adeptes.

Bague David Morris – Biennale des Antiquaires – Paris 2014

Généralement, peu de personnes connaissent le lambi hormis quelques voyageurs qui ont foulés le sable des Caraïbes. Moins encore, savent que cet animal produit des perles d’une grande beauté. Lors d’un voyage à Cuba, j’ai pu constater que le lambi était pêché uniquement pour sa coquille, ensuite revendue aux touristes. Un plongeur me confie même qu’une fois l’animal extirpé, il est rejeté à la mer. En effet, la population cubaine n’étant pas une grande consommatrice de ce mets, seule la coquille représente un attrait commercial. Non conscient du potentiel de ce « Caracol Rosado », les pêcheurs Cubains ne vérifient pas la présence d’une perle.

Sur d’autres îles notamment à Saint-Martin, Anguilla et Saint-Barthélemy, la majorité des pêcheurs ont déjà entendu parler de la perle rose mais tous s’accordent à dire qu’il est très rare d’en trouver. L’un d’eux nous confie que cela n’arrive qu’une ou deux fois dans une vie. Loin d’en connaître la valeur, la plupart les ont gardées dans un coin comme des curiosités. D’autres en revanche l’ont bien compris et sont partis à leur recherche. Très au fait des prix pratiqués grâce à internet, en moyenne un pêcheur par île collecte les éventuelles trouvailles de ses collègues et tente ensuite de les vendre sur le continent. D’après leur témoignage, les petites perles entre 1,5 carat et 3,5 carats de la meilleure qualité – c’est-à-dire rose, flammée et avec une forme harmonieuse – se négocient aux alentours de 250 à 350 dollars U.S. le carat. Mais pour les perles d’un diamètre plus conséquent, les prix s’envolent. Les premiers maillons de la chaine, que sont les pêcheurs, donnent le ton.

La formation de la perle dans le lambi

D’un point de vue plus scientifique, nous voulions savoir dans quelle partie du corps de l’animal se trouvait la perle. Nous somme sommes donc aller à la rencontre des pêcheurs de lambis sur l'île de Saint-Martin. A l'issu de cette rencontre, nous avons appris que c’est dans le manteau qui tapisse les parois de la coquille que celle-ci se forme lorsque des petites particules sont introduites entre le manteau et la coquille.

Pendant notre investigation, une perle de 21 carats a été trouvée. Le pêcheur nous a ainsi montré, une fois l’animal sorti de sa coquille, où se trouvait la perle.

Disparition des lambis

La perle redécouverte séduit en particulier le marché asiatique, toujours curieux et prêt à payer cher toute curiosité naturelle. Malheureusement, cette perle exceptionnelle connaît ses dernières heures, cette fois-ci pour toujours. Le stock de lambis au fond de la mer des Caraïbes ne se reconstitue pas et disparaît inexorablement.

Ce mollusque passera bientôt de statut d'espèce menacée à celui d'espèce en voie d'extinction, victime de la voracité humaine. On vivra alors, comme pour la perle naturelle de l'huître, sur les stocks existants, recyclés après chaque décès de propriétaire grâce aux maisons de ventes aux enchères.

PROBLÉMATIQUE ET RÈGLEMENTATION

La famille des Strombidae compte plus de 120 espèces. Dans la Caraïbe on rencontre communément 5 espèces: Strombus costatus, Strombus gallus, Strombus gigas, Strombus pugilis, Strombus raninus. Bien que le Strombus gigas soit de loin l'espèce la plus convoitée, trois autres sont pêchées pour être consommées : S. costatus, S. gallus et S. pugilis mais seul Strombus gigas fait l'objet d'une restriction de pêche.

 

En 2001, 3 132 tonnes de chair ont été pêchées, ce qui représente une valeur de 31 millions de dollars U.S. Au-delà de l'importance économique de l'espèce, le lambi est largement intégré dans la culture caribéenne. Cette espèce représente donc un enjeu économique, social et culturel important pour les pays de la zone caribéenne. Depuis quelques années, nous assistons à une inquiétante diminution des stocks de lambis dans les zones de pêche côtière. Notons, par exemple, qu'au Yucatan (Mexique) l'espèce a presque complètement disparu. Cette diminution, sans doute imputable à l'importante pression de la pêche qui s'exerce sur l'espèce, a amené les autorités compétentes à prendre des mesures de protection.

En Guadeloupe, par exemple, l'arrêté préfectoral de 2002 portant sur la réglementation de l'exercice de la pêche maritime côtière, stipule que la pêche aux lambis est réservée aux professionnels régulièrement inscrits aux affaires maritimes, à condition toutefois de respecter un certain nombre de contraintes définies par la règlementation. Elle ne peut se faire en plongée avec bouteille et ne peut être pratiquée que pendant l’ouverture de la saison de pêche. Malheureusement ces mesures de protection sont peu appliquées et des quantités supposément importantes de lambis sont braconnées.

En effet, le kilogramme de chair se vend en moyenne 10 dollars U.S. dans les pays de la Caraïbe et jusqu'à trois fois plus cher (25 Euros) en Guadeloupe et en Martinique. Pour l'ensemble de ces raisons, le Strombus gigas est inclus en 1992 dans l'annexe II de la Convention Internationale des Espèces de Faune et de Flore en Danger (CITES) Cf.p.20, en 1994 dans la liste rouge de l'Union Internationale pour la Conservation de la Nature (IUCN) et en 2002, à l’annexe II de la SPAW (Specially Protected Area and Wildlife in the Wider Caribbean region).

Pavillon formé = animal adulte et en capacité de se reproduire

Juvénile élevé en bassin avec zones de croissances brunes

Les Annexes I, II et III de la CITES

Les Annexes I, II et III de la Convention sont des listes où figurent des espèces bénéficiant de différents degrés ou types de protection face à la surexploitation.

Les espèces inscrites à l'Annexe I sont les plus menacées de toutes les espèces animales et végétales couvertes par la CITES. Etant menacées d'extinction, la CITES interdit le commerce international de leurs spécimens sauf lorsque l'importation n'est pas faite à des fins commerciales mais, par exemple, à des fins de recherche scientifique.

L'Annexe II est la liste des espèces qui, bien que n'étant pas nécessairement menacées actuellement d'extinction, pourraient le devenir si le commerce de leurs spécimens n'était pas étroitement contrôlé. Elle comprend aussi ce qu'on appelle les "espèces semblables", c'est-à-dire celles dont les spécimens commercialisés ressemblent à ceux d'espèces inscrites pour des raisons de conservation. Le commerce international des spécimens des espèces inscrites à l'Annexe II peut être autorisé et doit dans ce cas être couvert par un permis d'exportation ou un certificat de réexportation. La CITES n'impose pas de permis d'importation pour ces espèces. Les autorités chargées de délivrer les permis et les certificats ne devraient le faire que si certaines conditions sont remplies mais surtout si elles ont l'assurance que le commerce ne nuira pas à la survie de l'espèce dans la nature.

L'Annexe III est la liste des espèces inscrites à la demande d'une Partie qui en réglemente déjà le commerce et qui a besoin de la coopération des autres Parties pour en empêcher l'exploitation illégale ou non durable. Le commerce international des spécimens des espèces inscrites à cette annexe n'est autorisé que sur présentation des permis ou certificats appropriés.

Rappelons à l'occasion les règles officielles encadrant cette activité :

  • Toute capture, colportage ou vente de lambis ne possédant pas le pavillon formé et n’ayant pas un poids en chair nettoyée de 250 grammes au minimum par individu, est interdit en tout temps, tous lieux.

  • Tout colportage ou présentation à la vente en frais de lambis découpés de manière à empêcher l’évaluation du poids en chair nettoyée est interdit.

  • La pêche du lambi est interdite pour les pêcheurs plaisanciers.

  • La pêche du lambi est interdite pour les pêcheurs à pied.

  • La pêche de ce gastéropode est interdite du 1er avril au 31 août inclus dans les îles du nord.

  • La vente en frais du lambi pendant les périodes de fermeture est interdite.

 

Les restrictions concernent également le commerce de coquilles et des perles de lambi.

J’ai contacté les autorités et la réserve naturelle de l’île de Saint-Martin qui travaillent en collaboration avec la gendarmerie, les affaires maritimes et les douanes et qui luttent contre le braconnage que subit l’espèce dans les zones protégées. Dans ces zones refuge où la pêche est interdite, on repère facilement les animaux braconnés des autres coquilles vides. Si le lambi a été mangé par un poulpe ou un autre prédateur, sa coquille reste intacte. En revanche, s’il a été péché par l’homme, la coquille présente un trou au sommet de la spirale.

L’animal ne se laisse pas extirper de son habitat facilement. Recroquevillé au fond de sa carapace, il faut couper le nerf qui lui permet de s’y tenir solidement. Pour cela, on perce un trou à l’aide d’un piolet. La coquille, alors endommagée, est difficilement vendable et est donc rejetée pour éviter de charger les bateaux. D’autre part, même si les coquilles de lambi figurent sur la liste des objets interdits à l’aéroport de Saint-Martin et St-Maarten, partie hollandaise de l’île, il y a une tolérance tacite concernant les voyageurs qui peuvent emporter jusqu’à une ou deux coquilles.

AQUACULTURE

Les Strombidae ont fait l'objet de nombreux travaux sur l'aquaculture depuis 1970 et la reproduction depuis 1987. Mais l’aquaculture de lambi a véritablement démarrée dans les années 1980 en raison de sa surexploitation et de la demande croissante du marché.
Au départ, il s’agissait de réimplanter différents spécimens de Strombidae mais cette idée a été avortée en raison de risques génétiques pour l’espèce. Aujourd’hui, il n’existe que peu de fermes aquacoles recensées qui élèvent des conques dans le but de commercialiser la chair. Les fermes du Belize, du Mexique et la "Conch Farm", sur l'île de Providenciales, dans l'archipel des Caïques, en sont de bons exemples.

Les Strombidae ont fait l'objet de nombreux travaux sur l'aquaculture depuis 1970 et la reproduction depuis 1987. Mais l’aquaculture de lambi a véritablement démarrée dans les années 1980 en raison de sa surexploitation et de la demande croissante du marché.
Au départ, il s’agissait de réimplanter différents spécimens de Strombidae mais cette idée a été avortée en raison de risques génétiques pour l’espèce. Aujourd’hui, il n’existe que peu de fermes aquacoles recensées qui élèvent des conques dans le but de commercialiser la chair. Les fermes du Belize, du Mexique et la "Conch Farm", sur l'île de Providenciales, dans l'archipel des Caïques, en sont de bons exemples.

Des perliculteurs peu ordinaires 

Restaurateurs de profession et véritables passionnés de nature, un couple de trentenaires part s’installer sur une île quasi déserte au Honduras pour y ouvrir un restaurant. Ils y servent du poisson, de la langouste et du lambi, évidemment. Cependant, étonnés de voir sortir des cales des bateaux des lambis de plus en plus petits où la quantité de chair est dérisoire ils prennent conscience de la fragilité de l’éco système et décide de fermer le restaurant pour y bâtir un centre d’aquaculture de Strombus. Une expérimentation scientifique débute alors en 2012.

POUR S'Y RENDRE : MIAMI  ->  SAN PEDRO SULA  ->  UTILA  ->  ILE

Le premier objectif de la recherche était la réintroduction. Une alternative à la pêche de masse. Après capture de masse d’œufs, les animaux élevés en laboratoire et par conséquent moins enclins aux prédateurs durant les premiers mois de leur vie devaient être relâchés. Mais après expertises et témoignages, la réintroduction d’animaux nés et élevés en bassin puis réintroduit sur un site donné, peut engendrer des problèmes de consanguinité et à terme un danger pour l’espèce. En effet, en Floride des anomalies génétiques ont été constatées après relax en pleine mer des spécimens d’une même fratrie élevés en bassin. Cependant aucune publication officielle n’a été transmise sur le sujet.

Dans la nature, les œufs dérivent et se répandent sur des milliers de kilomètres.
La probabilité pour que deux spécimens d’une même fratrie se rencontre est très mince.

 

Les animaux élevés en bassins issue d’une même masse d’œufs et relâchés dans un périmètre restreint auront plus de chance de se rencontrer. Donc la réintroduction n’a pas été tentée même si le jeune couple avait l’aval du gouvernement Hondurien.

C’est donc en vivant au plus proche de la nature et en étudiant l’espèce de très près que les deux français décident de se lancer dans la perliculture de Strombus Gigas.

Protocole
  • Construction des bassins : puisque l’expérimentation en mer n’est pas autorisée pour des raisons de pollution éventuelle et de vol de lambi, des bassins ont été construits à quelques mètres seulement de la mer.

    • 1er : bassin expérimental en laboratoire

    • 2ème : bassin en extérieur de plusieurs mètres de long

    • 3ème : bassin de taille moyenne pour avoir une meilleure concentration d’aliments

  • Obtention des permis : trois permis sont nécessaires pour débuter une activité de perliculture de Strombus. 

    • 1er : si espèce en danger à CITES

    • 2ème : autorisation de détenir des animaux en captivité. Permis lié aux infrastructures pour garantir une bonne qualité de vie à SERNA

    • 3ème : autorisation d’aller collecter en mer des animaux sauvages à DIGEPESCA

  • Capture de 100 spécimens

Taux de mortalité de 25% en trois ans. En cause, une erreur humaine et des problèmes techniques liés aux infrastructures. Possibilité de baisser ce chiffre à 5% en comptant juste les animaux sacrifiés pour les greffons. Donc pas de mortalité en bassin.

  • Modification de la technique de greffe de Megan Davis et Salomon qui est en libre accès sur internet.

Il y avait dans la technique de greffe breveté par Megan David des paramètres à modifier ou à améliorer. Notamment l’implantation du greffon. Pour des raisons de confidentialité, la nouvelle technique de greffe ne sera pas divulguée dans cet article. 

 

A raison d’une perle en moyenne par conque, la taille de l’animal offre néanmoins la possibilité d’y greffer plusieurs perles. Onze au maximum mais la qualité en est nettement amoindrie. Le nombre de greffes optimal est de trois perles par animal.

 

La greffe se fait à l’aide d’une partie du manteau d’un animal sacrifié appelé greffon comme pour la perle de culture d’huître. A la différence de la technique de greffe brevetée en 1916 par le Japonais Mikimoto, les essais sur le Strombus se sont fait sans noyau. Une volonté de garder une certaine authenticité et un gage de qualité même si la greffe avec noyau sera expérimentée à titre d’essai dans les prochains mois.

 

La forme des perles est alors irrégulière mais les perliculteurs français tendent à améliorer ce paramètre en fonction de la zone d’implantation du greffon. A noter que l’animal se déplace et effectue de nombreux mouvements. Ces déplacements engendrent un effort musculaire qui fait ainsi rouler la perle au sein même du tissu de l’animal ce qui est susceptible d’en influencer la forme. D’après une récente étude, publiée dans la revue Royal Society Open Science le 15 juillet dernier, une rotation se poursuit durant tout le processus de formation de la perle. Les scientifiques le soupçonnaient, ils l'ont finalement prouvé : "la perle est animée d'un mouvement de rotation pendant sa formation au sein des tissus de l'huître". Pourquoi n’en serait-il pas de même pour la perle de Strombus Gigas ?

  • Résultat

La première année, la qualité des perles était mauvaise, cela à cause du système d’aération d’eau et d’une alimentation moyennement adaptée.

Les perles ont des tailles et des formes variées. La plus grosse avoisine les
7 carats mais la plupart  sont beaucoup plus petites, environ 0,20 carat.

Si les Strombus gigas sont susceptibles de fabriquer des perles par eux même en milieu naturel, ce n’est pas le cas dans des conditions en bassin car dans un univers contrôlé, les bactéries ont moins de chance de proliférer.

L’été 2015 marquait la fin du stade expérimental. Les essais sont concluants puisque lors de la dernière sortie début août, une perle d’un rose clair de 0,6 carat avec une structure en flamme visible à la loupe x10 et de forme ronde, a été trouvée à l’issue d’une greffe. D’autres, dans des tons orangés à jaunes en passant par le blanc avaient une structure flammée très marquée et des formes ovales régulières.

Nous pensions récolter trois ou quatre perles lors de cette dernière sortie. Après vérification de tous les spécimens encore captifs, nous avons constaté que la quasi totalité d’entre eux avaient fait des surgreffes dans les tissus précedement vidés. Cela s’explique par des résidus de cellules épitéliales restées dans l’incision et qui ont engendré de nouvelles perles auxquelles nous ne nous attendions pas. Ce jour là, une quarentaines de perles ont été extraites. D’après le laboratoire chargé des analyses, toutes les perles y compris les surgreffes sont identifiables comme « issues de culture ».

 

Entre le moment de la greffe et la sortie de la perle, il faut compter six mois de formation. En deçà, la perle est très petite.  

Cette technique de greffe est sans danger pour la vie de l’animal et se pratique en dehors du système nerveux et des parties génitales. A la différence des huîtres perlières où la greffe se fait dans la gonade, son organe reproducteur. De plus, l’animal est relaxé par un additif minéral naturel dans une solution saline ce qui facilite sa manipulation et minimise une potentielle douleur la douleur. (En effet, le lambi a tendance à se débattre quand on le manipule).

Le greffon est implanté dans le lambi en intra cutanée à la différence de l’intra musculaire qui est plus profond et qui donne une meilleure couleur mais qui pourrait être une gêne supplémentaire pour l’animal. Aucun spécimen capturé n’est mort à la suite d’une greffe ou d’une sortie de perle.

Après la sortie de perle, les animaux se reposent en bassin le temps que la cicatrisation se fasse à l’abri des prédateurs. Au bout de quelques jours, les lambis sont relâchés sur le site même où ils ont été collectés. Les bassins sont vidés et les eaux traitées. L’impact environnemental est minimisé et le site est prêt à être réexploité.

Après un an d’activité sur site et huit mois d’observations en mer, les français ferment le centre de perliculture temporairement. Les essais scientifiques sont terminés et aboutis.
Si certaines perles présentent un attrait esthétique, elles ne sont pas destinées à la vente mais à la recherche afin d’améliorer encore leur qualité.

A ce jour, aucune perle de conque issue de la culture n’a été percée. Les perliculteurs attendent les résultats du laboratoire afin de déterminer une fragilité potentielle due au vide  laissé par le greffon.

Perle de culture de Strombus gigas en radiographie

Perle de conque de culture sans noyau

Perle de conque naturelle

Développement durable

La réintroduction reste une alternative non envisageable pour l’instant mais la culture de perle est possible par greffe sur le Strombus gigas. A terme, les deux français veulent dégager des bénéfices de la revente des perles de conque de culture. En développant à plus grande échelle l’élevage en bassin et en combinant production de chaire et de perle.
Un projet qui pourrait permettre, selon les jeunes entrepreneurs, de pouvoir un jour d’interdire totalement la pêche du lambi en mer.

Le développement immédiat au Honduras est difficile mais le projet se poursuit dans le bassin caribéen. Même si le process est maintenant au point, les perliculteurs continuent d’améliorer les conditions de vie en bassin car il reste encore des facteurs naturels et génétiques difficilement maîtrisables. Un seul élément vient à manquer, la reproduction des adultes en bassin. Les données actuelles comptent un seul cas de masse d’œufs pondue en captivité. La récolte de masse d’œufs en milieu naturel est pour le moment nécessaire tant que les constantes de reproduction en bassin ne sont pas approfondies.

Autres objectifs : contribuer à la sensibilisation contre la pêche de masse et au développement durable à travers les emplois et l’éducation, en faisant participer les populations locales avec la visite du centre destiné à la jeunesse. En plus d’être une attraction touristique potentielle, le projet vise aussi à porter le pays à la pointe de la technologie dans la production de perle de gastéropodes. Une partie des bénéfices sera également réinjectée dans la protection de l’espèce en mer.

Outre son aspect culturel qui met le lambi au cœur de la gastronomie antillaise et des coutumes caribéennes, l’animal endémique aux multiples facettes continue de fasciner. Victime de ses nombreux atouts, le commerce de ce spécimen doit être réglementé pour éviter une exploitation incompatible avec sa survie. Cependant de nouvelles possibilités semblent être envisagées pour permettre à l’animal de continuer de peupler nos eaux.

Comme pour la perle fine d’huître, nous assistons inexorablement à la fin de la perle fine de Strombus gigas. L’animal en voie d’extinction, comme de nombreuses espèces de mollusques non nacriers, tend à disparaître et à emporter avec lui le précieux secret des perles. La CITES, organisation chargée de réglementer le commerce de la faune et de la flore sauvage menacée d'extinction, comptait près de 180 pays en 2013. L’aquaculture comme mesure de responsabilité pourrait mettre fin à la surpêche tout en répondant à la demande croissante du marché.

Après avoir défini la nacre comme une biominéralisation de micro structures aragonitiques, on constate que de nombreuses espèces de mollusques sécrètent des perles non nacrées. Leur structure constituée de calcite ou d’aragonite, ne respecte pas la forme d'empilement propre à la nacre et sont appelées perles non nacrées ou perles porcelainées. Même si celles-ci ne représentent actuellement qu’une infime partie du commerce mondial des gemmes, elles ont été largement utilisées dans l'art déco et sont recherchées aujourd'hui sur un marché très exigeant, celui des grandes maisons.

D’un point de vue gemmologique, les avancées scientifiques récemment mises en exergue nous en apprennent un peu plus sur cette perle rose encore peu connue. Il semblerait qu’une nouvelle perle de culture de Strombus fasse prochainement son apparition sur le marché. La perliculture de lambi en est aujourd’hui à son balbutiement mais pourrait faire des émules dans les années à venir.

Sources et bibliographie :

  • Brevet de Megan Davis et Hector Acosta-Salmon : http://www.google.fr/patents/EP2413688A4?cl=un&hl=fr

  • « La perle rose, Trésor naturel des Caraïbes », d'après un texte de David Federman (2007)

  • Ouvrage « American sea shells » de Abbott (1974)

  • Revue Gems & Gemology, Winter 1987, premier article important et toujours d’actualité paru sur les roses des Caraïbes. « The history and gemology of queen conch pearls » par Emmanuel Fritch et Elise B. Misiorowski

  • Article « Explaining the flame structure of non-nacreous pearls » par le Dr. H.A. Hänni publié dans The Australian Gemmologist | Fourth Quarter 2010 | Volume 24, Number 4

  • Thèse Jean-Marie VOLLAND 2010 : Interaction durable Stombidae

  • Réserve naturelle de Saint-Martin

  • Pêcheur de lambis sur l’île d’Anguilla

  • Perliculteurs français au Honduras

  • Conférence LFG du 31 mars 2015

  • Olivier SEGURA

Allison David
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